Une petite histoire de l'orthographe, partie I

Si vous vous replongez un petit peu dans vos souvenirs d’école, une chose vous est peut être restée. Un certains nombre de questions, surgies d’une leçon de grammaire ou d’orthographe, et auquel votre enseignant d’alors n’a pas voulu, ou pas pu, donner de réponse.

Par exemple, d’où vient l’accent circonflexe ? Pourquoi dans certains mots, on écrit le son [f] avec « ph », et dans d’autres « f » ? Pourquoi écrit-on « m » devant b ou p, et « n » dans les autres cas ? Et sans doute bien d’autre encore.  

La rétrospective que je vous propose a justement pour but de d’expliquer quelques unes de ces étrangetés qui peuplent notre langue française, et qui rendent si difficile son apprentissage.  

Le premier fait qui a complexifié notre orthographe, c’est l’origine même du français : en effet, celui-ci fait partie de ce groupe de langages issus du latin. Lors de l’expansion de l’empire romain, le latin s’est imposé à peu près dans tous les pays conquis comme langue officielle.  

Mais bien entendu, au fil du temps, des différences sont apparues dans l’usage que faisaient les différentes peuplades de cette langue. Ainsi, dès ce qu’on appelle le latin vulgaire (ou bas latin, qui couvre la période comprise entre les 2ème et 4ème siècle), la prononciation de nombre de lettres s’est déjà écarté de celle du latin classique.  

Dès l’origine, cet enrichissement de la prononciation va poser un premier problème, celui de la transcription. En effet, l’alphabet latin ne comprend que 22 lettres. Le K, le J, le V, le W, n’existent pas, pas plus que les accents, le tréma, la cédille, ni la plupart des signes de ponctuation. Or, dans plusieurs régions de France, de nouvelles combinaisons de sons apparaissent, que les scripteurs tentent de rendre de manière souvent anarchique. C’est de là que vient, entre autre, la profusion de graphies différentes pour retranscrire un même son.  

Prenons l’exemple des accents graves et aigus. Pourquoi cette bizarrerie typographique, qui ne se retrouve pratiquement dans aucune autre langue ?  

Hé bien elle correspond à un besoin des copistes qui devaient transposer à l’écrit une différence de prononciation qui existait à l’oral. A la base, le latin jouait sur la longueur des syllabes (voyelle longue notée [ē], et voyelle courte notée [ĕ]) pour deux sons qui ont évolués vers le [ę] ouvert (comme dans « thé ») et le [ẹ] fermé (comme dans « lèvre). Or, pour noter ces deux sons très différents, une seule lettre existait : le « e ». A partir des 11ème et 12ème siècles, la transcription des chansons de geste, entre autre par les jongleurs, entraînent la fixation d’une orthographe très phonétique : la raison d’être du texte est celle d’un aide-mémoire pour un artiste qui connaît déjà sa chanson : peu lui importe alors que la graphie soit approximative ou changeante.  

C’est à partir du 13ème siècle, lorsque le français s’imposa comme langue officielle pour les textes juridiques et administratifs, que la nécessité d’harmoniser l’orthographe se fit sentir. D’où l’utilisation des accents pour distinguer les deux sons : l’accent aigu (introduit en 1530 par Robert Estienne) pour le [ę] et l’accent grave (introduit en 1532 par Jacobus Sylvius ) pour le [ẹ].

Voilà l’origine d’une règle typographique qui a posé bien des problèmes à des générations d’élève : la nécessité d’identifier à l’écrit les différentes prononciations possibles d’une même lettre, le « e ».

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