Les stances dans le théâtre classique

La notion même de stance est rarement dégagée en tant que telle dans les traités de versification de l’époque classique. Un consensus se dégage pour dire que si la stance est une forme particulière de strophe, toutes les strophes ne sont pas des stances.

Marmontel en parle ainsi : « la stance la mieux arrondie est celle dont le cercle embrasse une pensée unique, et qui se termine comme elle et avec elle par un plein repos[i] ». [i] Marmontel, Eléments de littérature. 

1 - Définition

 

Une stance se constitue en général d’une strophe qui a son sens propre et qui se termine par une ponctuation forte. Elle exprime le plus souvent une idée pouvant être réduite à une phrase simple, et dont le thème n’est jamais repris dans une autre stance.

Le fait que les stances soient marquées par une ponctuation forte (point ou point d’exclamation) obéit aussi à des impératifs de déclamation, car cela permet de marquer plus nettement la chute. Nombreux étaient d’ailleurs les auteurs qui incluaient dans le dernier vers une pointe, une antithèse, et autre tournure frappante. Ainsi Corneille parle « d’une antithèse ou d’un trait spirituel qui ferme chacun de leurs couplets ».

Enfin, dans la presque totalité des cas, une stance n’est rien d’autre qu’une variété métrique du monologue. 

2 - Caractéristiques

 

a) Forme

 

Les vers utilisés pour les stances sont extrêmement divers. Toutefois les plus fréquents sont l’octosyllabe et l’Alexandrin. Le nombre de vers dans la strophe est également très variable (de 4 à 10), mais les plus nombreuses comptent dix vers. Enfin, on observe la même variété concernant le nombre de strophes dans la stance, mais il est rare qu’elles en possèdent moins de trois et plus de sept. 

b) Thèmes

 

Au sujet des idées et sentiments exprimés par les stances, on observe la même variété que dans leur forme métrique. D’Aubignac estimait que le principe de vraisemblance devait limiter leur emploi. Mais dans les faits le registre de sentiments autorisés dans les stances tient bien plus à leur nature musicale qu’à un quelconque souci de faire vrai.

Corneille dit que « la colère, la fureur, la menace et tels autres mouvements violents ne leur sont pas propres ; mais les déplaisirs, les irrésolutions, les inquiétudes, les douces rêveries, et généralement tout ce qui peut souffrir à un acteur de reprendre haleine et de penser à ce qu’il doit dire ou résoudre, s’accommode merveilleusement avec leurs cadences inégales ».

Aussi le personnage qui prononce des stances cherche le plus souvent à analyser ses sentiments, et cherche à les comprendre en faisant référence à des idées générales. Le raisonnement se fait subtil, d’abord parce que cela correspond à une tendance de la psychologie des héros de l’époque, mais aussi parce que cela se prête parfaitement aux jeux de la chute et des pointes.

Les stances mettent également souvent en scène le héros pris entre deux sentiments contradictoires et qui peine à faire son choix. Enfin elles peuvent, comme le monologue, permettre d’informer le spectateur d’un fait nouveau. 

 

3 - Historique

 

Les stances apparaissent progressivement entre 1628 et 1629, mais le terme « stance » lui-même n’est utilisé qu’en 1630 dans une pièce intitulée « Généreuse Allemande ». Par la suite, de 1630 à 1634, les stances envahissent tous les genres dramatiques. Le succès est si appuyé que dans certaines pièces on trouve non pas une mais plusieurs séries de stances, comme dans le Céliane de Rotrou, qui en compte trois.  

L’insertion des stances dans le mouvement régulier des alexandrins a toujours été un problème pour les auteurs. Ceux-ci ont eu recours à deux artifices : soit une interruption par l’arrivée d’un nouveau personnage avant la fin de la dernière strophe, soit à la fin des stances, le monologue continue en alexandrins.  

La vogue des stances se terminera à l’époque de la Fronde, et l’on ne trouvera de stances après 1660 que chez des auteurs peu connus ou sans expérience. 

 

Quelques liens

1. Les stances dans le Cid

2. Les stances dans Polyeucte

Copyright :
© Tous droits réservés Propulsé par Viaduc
Ce site est propulsé par Viaduc